Rencontre : "Beaufs et barbares", Houria Bouteldja
Rencontre : "Beaufs et barbares", Houria Bouteldja
Introduction de « Beaufs et barbares » : La fin du monde
L'ange Gabriel (as) demanda : « Informe-moi au sujet de l'heure du Jour Dernier et parle-moi de ses signes annonciateurs », et le Prophète (sws) lui répondit : « … lorsque tu verras les va-nu-pieds, mal vêtus, nécessiteux qui gardent les troupeaux se faire élever des constructions de plus en plus hautes. »
Hadith rapporté par Mouslim
« Les nations se sont irritées, mais ta colère aussi est venue ; voici le moment de […] détruire ceux qui détruisent la terre. »
L'Apocalypse selon saint Jean
C'est la fin du monde.
La Torah, la Bible et le Coran l'ont annoncé. On aura beau scruter l'horizon, on n'y verra que des cieux brunissant et des soleils ténébreux. Tous les signaux sont au rouge. J'aimerais parler d'espoir mais je sens bien que le mot est ringard.
C'est la fin du monde. Nos certitudes fondamentales, notre vision moderne d'un progrès matériel, moral et éthique illimité n'est plus. Que ce soit à cause de la menace d'une guerre nucléaire, d'un virus ou du dérèglement climatique, il n'est plus aucune utopie, aussi désirable soit-elle, capable de l'emporter sur notre lucidité ou notre résignation. Les esprits les plus sécularistes et les plus scientifiques commencent à converger avec les croyants. Ils partagent désormais un imaginaire commun : la fin est pour bientôt.
C'est un bon début. Allons plus loin et considérons la puissance de la pensée négative. Considérons son pouvoir et prenons-le pour appui. Pas pour accélérer cette fin mais pour rendre au désespoir sa dimension métaphysique. Ce n'est plus l'espoir qui nous fera vivre, mais le désespoir. En voilà une perspective concrète et matérialiste ! La fin du monde comme mythe mobilisateur et, in fine, comme nouvelle conscience positive. Le poète n'a-t-il pas dit : « Là où croît le péril, Croît aussi ce qui sauve » ?
Le monde est mort, vive le monde !
Si pour les monothéismes la fin du monde est une certitude, l'heure à laquelle elle adviendra est un secret. Un secret que l'homme moderne plus qu'aucune autre créature terrestre aura contribué à éventer. Si elle semble si proche désormais, il se pourrait qu'elle puisse encore être repoussée, si tant est que notre volonté collective soit d'en finir avec le monde tel qu'il existe. Ce monde est capitaliste. Ce monde, c'est la destruction du vivant. Ce monde, c'est la guerre. Il faut y mettre fin. Maintenant.
Mais si le capitalisme est partout, les nations les plus responsables de la fin du monde sont, la plupart, localisées en Occident. C'est de là que j'écris, du cœur du capitalisme français. C'est là que mon désespoir s'épanouit. C'est là que mon espoir doit renaître, là que je dois envisager la fin de ce monde. Comme je mesure le défi qui consiste à tenir une ligne dans les ruines des espoirs politiques, autant rester réaliste et exiger l'impossible, non ? L'impossible, ce sera ça : la fin de ce monde. Le NOUVEL ESPOIR.
Nous avons l'Idée, le mythe mobilisateur. Nous connaissons l'Ennemi. Il nous faut maintenant une volonté collective et une stratégie globale pour « détruire ceux qui détruisent la terre ». C'est là que les choses se compliquent car les forces populaires capables de mettre fin à ce monde sont désunies, séparées, voire opposées les unes aux autres. Le pari, c'est de trouver le moyen de les unir. Les facteurs de la désunion sont nombreux mais parmi les plus structurels, les plus anciens et les plus effectifs, il y a la division raciale. C'est à ce nœud que je consacre ce livre.
Voir en ligne : Météores