samed 06
10:30

Leçon de cinéma : Johan van der Keuken, par Thierry Odeyn

samedi 6 avril 2019 à 10h30

Leçon de cinéma : Johan van der Keuken, par Thierry Odeyn

LEÇON DE CINÉMA - CYCLE 2018/2019
Par Thierry Odeyn, réalisateur et professeur de cinéma documentaire.

Lors de la séance précédente, Thierry Odeyn a conclu avec Herman Slobbe, dont Johan van der Keuken disait :

« Chaque chose dans un film est une forme ». Par là, je voulais m'en prendre aux malentendus habituels sur le documentaire. Ce n'est pas du documentaire, ce n'est pas du vrai non plus : c'est une forme, de la matière formée et transportée, de la fiction. Et puis, je reprends et je dis : « quand même, c'est quelqu'un avec qui j'ai vécu : au revoir ! ». Herman existe dans la fiction et en même temps dans le réel. Faire du cinéma, je crois, c'est essayer d'organiser le plus véridiquement, le plus directement, un processus de pensée à partir d'images extraites de la réalité visible ; une pensée qui, idéalement, ne pourrait pas avoir lieu dans un autre medium, une pensée inséparable du fait qu'il s'agit d'images mouvantes, avec du son. Quand je vois mes films rétrospectivement, je vois bien qu'il s'agit du travail de quelqu'un qui appartient à une certaine classe, la classe moyenne. Alors si on dit « classe moyenne », qu'est-ce que ça veut dire ? Dans le nord de l'Europe, pour quelqu'un qui appartient malgré tout à cette classe moyenne, mais qui essaie de changer la conception qu'il a du monde, ça passe forcément par la question, disons, des « autres »... Par exemple les Noirs et ce qu'ils représentent à un certain moment : le Tiers-monde, tout ce passé colonial qu'on n'a pas appris à l'école et dont il faut prendre connaissance et conscience... Le thème du Noir hante mes films et dans Herman Slobbe il est comme une contre-image de l'aveugle. Je l'ai proposé à Herman qui l'a accepté sans problème, dans la mesure où il tire beaucoup de choses de sa connaissance de la musique et qu'il affirme comprendre dans le Rythm and Blues le rapport entre cette musique et la condition des Noirs. Ceci dit, je crois qu'on peut critiquer ce rapprochement dans la mesure où, quand même, la cécité c'est un handicap, une donnée négative qui devient un thème social, tandis qu'avec les Noirs c'est évidemment la société blanche qui a transformé une caractéristique raciale et une culture en handicap, donc le contraire. Bon, je crois que jusqu'à Diary [Dagboek] inclus, dans mes films, c'est toujours le cinéaste qui parle pour les autres, c'est-à-dire des gens défavorisés par rapport à lui-même. Je crois que depuis, j'ai essayé de créer un espace dans lequel il soit possible à l'autre de parler pour lui-même. C'est là qu'est le problème. Dans un film comme Les Palestiniens [De Palestijnen] c'était accepter le fait que faire le film, c'était être capable de trouver le juste milieu entre parler et me taire" (extrait de l'entretien accordé par JVDK à Serge Daney et Jean Paul Fargier dans Les Cahiers du Cinéma en 1978).

Ce sont les œuvres de "maturité" qui feront l'objet de notre deuxième rencontre autour de Johan van der Keuken.

Tarifs : 6,5 (plein) // 5 (réduit)

Source : http://www.leptitcine.be/Lecon-de-cinema-4-Th…
Source : message reçu le 11 mars 16h